Il arrive parfois que des services instructeurs refusent d’instruire une demande de permis de construire au prétexte qu’un permis portant sur le même terrain a déjà été délivré et est toujours en cours de validité.
Le pétitionnaire se retrouve alors obligé soit de retirer l’autorisation précédemment obtenue (quand il est en mesure de le faire, ce qui n’est pas le cas si l’autorisation avait été délivrée à une autre personne), soit d’attendre le terme de la durée de validité de l’autorisation précédente.
Il n’existe pourtant aucune règle interdisant aux services instructeurs d’enregistrer une nouvelle demande de permis de construire lorsqu’un permis a déjà été délivré sur le même terrain et qu’il est en cours de validité.
En fait, cette situation est admise depuis fort longtemps et les juges ont eu l’occasion de traiter les différentes situations qui pouvaient se présenter.
Il convient ainsi de distinguer deux situations :
- La nouvelle demande de permis porte sur le même terrain et est présentée par le même pétitionnaire
- La nouvelle demande de permis porte sur le même terrain et est présentée par un pétitionnaire différent
Dans la première situation, la délivrance du nouveau permis sur le même terrain au même pétitionnaire vaut retrait implicite du précédent. On trouve une illustration de ce cas dans l’arrêt Vicqueneau(1) :
« Considérant que postérieurement à l’introduction de la requête enregistrée le 1er mars 1994 le maire de Marly-le-Roi a, le 8 juillet 1994, accordé à la SCI Marly un nouveau permis de construire sur le même terrain des bâtiments à usage non plus seulement d’habitation, mais de bureaux ; que ce nouveau permis a implicitement mais nécessairement rapporté le permis du 21 mars 1989 et que ce retrait, qui n’a pas été contesté par la SCI Marly, est devenu définitif ; »
Dans la seconde situation, le nouveau permis portant sur le même terrain et accordé à un pétitionnaire différent ne rapporte pas le permis précédemment délivré comme l’illustre l’arrêt « Mme PORTELLI »(2) :
« Considérant que si, postérieurement à l’introduction de la requête, un nouveau permis de construire a été délivré le 29 janvier 1998 sur le même terrain, cette autorisation, accordée à une société distincte du bénéficiaire du permis initial, n’a pu avoir pour effet de rapporter implicitement ce dernier ; »
Un tempérament a toutefois été apporté dans la première situation à l’occasion d’une décision rendue le 07/04/2010(3).
Le Conseil d’Etat a en effet précisé que »si la délivrance d’un nouveau permis de construire au bénéficiaire d’un précédent permis, sur le même terrain, a implicitement mais nécessairement pour effet de rapporter le permis initial, ce retrait est indivisible de la délivrance du nouveau permis ; que, par suite, les conclusions aux fins d’annulation du permis initial ne deviennent sans objet du fait de la délivrance d’un nouveau permis qu’à la condition que le retrait qu’il a opéré ait acquis, à la date à laquelle le juge qui en est saisi se prononce, un caractère définitif ; »
En l’espèce, les juges du fond avaient considéré que le retrait d’un permis de construire délivré à une SCI avait été opéré par la délivrance d’un second permis (à la même société et portant sur le même terrain) bien que le second permis faisait l’objet d’un recours contentieux. Les juges ont considéré que ce retrait ne devait s’opérer qu’à partir du moment où le second permis est devenu définitif.
Par ailleurs, avec la réforme des autorisations d’urbanisme de 2007, la doctrine a un temps pensé que la modification de l’article L.424-5 du code de l’urbanisme mettait fin à la position exprimée dans l’arrêt Vicqueneau.
En effet, l’article L.424-5 du code de l’urbanisme(4) dispose que :
La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l’objet d’aucun retrait.
Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire.
Mais à l’occasion d’une décision récente, les juges ont maintenu la position jurisprudentielle antérieure :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par un arrêté du 19 août 2013, postérieur à l’introduction du pourvoi de la société Castel Invest, le maire de la commune du Lamentin lui a accordé un nouveau permis de construire portant sur le même terrain que celui sur lequel avait été autorisée une construction par l’arrêté du 31 octobre 2012 ; que la délivrance de ce nouveau permis de construire a, implicitement mais nécessairement, eu pour effet de rapporter le permis de construire accordé par l’arrêté du 31 octobre 2012 et de mettre fin aux effets de l’ordonnance attaquée ;
En cas de difficultés pour faire enregistrer sa demande, le pétitionnaire devra insister auprès du service instructeur et rappeler les positions jurisprudentielles sur le sujet.
Notes
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008009009
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000008027133&fastReqId=1612676926&fastPos=1
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000022155434&fastReqId=1363039422&fastPos=1
- La rédaction a été modifiée en mars 2014
- Arrêt Castel Invest, 23 juin 2014
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